VOYAGE A VÉLO EN 1993 5020 km jusqu’en
Roumanie En 1993, je fais 7020 km à
vélo, dont un voyage de 5020 km en juillet. Parti le 3 juillet de
Bernières-le-Patry, je dépasse rapidement Vassy, Falaise, Livarot, Orbec,
Bernay, Louviers, Les Andelys, Gisors, Clermont, Compiègne, Reims, Vouziers,
Buzancy, Stenay, Montmédy, Virton, Arlon, en Belgique, Ettelbrück et
Diekirch, au Luxembourg. Comme les années précédentes, je dors à la belle
étoile. Emmener une tente représente en effet un luxe inutile à mes yeux, car
ma philosophie se résume à ceci: il ne pleut jamais les nuits d’été... sous
abri! Cette ligne de conduite ne m’a presque jamais fait défaut. Le matin du quatrième
jour, je traverse Vianden et entre en Allemagne. Après Bitburg, Wittlich et
Cochem, je longe les méandres de la Moselle jusqu’à Koblenz. Je dépasse le
lendemain Limburg, Wetzlar et Gieβen. A Grunberg, je découvre enfin un
marchand de cycles qui veuille bien réparer mon vélo. En effet, je sentais
que la chaîne devait avoir quelques problèmes, car elle ne cessait de sauter
dans les côtes. En fait, elle était complètement usée - total fertig.
En outre, la forme des dents de mes pignons ressemble désormais à Δ.
J’apprends aussi que le guidon risque de céder, que la fourche est tordue et
la direction faussée. Je commence enfin à comprendre que je roule avec une
épave... Au bout de trois heures de soins intensifs, la dite épave se porte
déjà mieux et je peux repartir. Après Alsfeld, Bad
Hersfeld, Philippstahl et Vacha, je retrouve enfin une route paisible. Les
rues de l’ancienne Allemagne de l’Est sont encore pavées, on se croirait dans
la France d’avant-guerre. Eisenach, Erfurt, Weimar, Jena, Gera, Zwickau,
Chemnitz et Dresden présentent ainsi cet aspect. Je franchis la frontière
Tchèque le matin du huitième jour. Je longe alors l’Elbe dans un décor
sauvage, envahi de touristes allemands. Déčin m’impressionne par son
état de délabrement. Je prends alors la direction de la montagne, vers
Česka Kamenice. Le long des routes, j’ai l’occasion de voir de
nombreuses personnes proposant des articles de luxe aux touristes. Ces gens
ne vendent que deux sortes de produits: de l’alcool et des ours en
peluches... Je suis sidéré. Certains font preuve d’originalité en agitant une
chaussure dès qu’une voiture s’approche. Consternant... Je roule jusqu’à Liberec.
Les vannes célestes s’ouvrent alors. Il pleut pendant trente heures sans
discontinuer. Avec un peu de chance, je réussis à dénicher une baraque
abandonnée près de la gare. Cet antre, bien qu’immonde, allait m’être très
utile. Au petit matin, après avoir dormi tant bien que mal, je tente de
parcourir quelques kilomètres, mais dois vite me rendre à l’évidence. Je suis
trempé jusqu’aux os et ne peux continuer ainsi. J’achète alors à manger et
retourne vite dans mon abri, où je mets mes affaires à sécher. Le lendemain
matin, après ma seconde nuit en ce lieu, je chasse le rat qui grignotait mes
réserves de nourriture et me lève. Je dois franchir le ruisseau qui s’est
formé devant la porte par les inondations et pars. Je dépasse Jablonec nad
Nisou et Harrachov, et entre alors en Pologne. Il y a dans ces montagnes
perdues un brouillard très dense, qui m’oblige à descendre prudemment dans la
vallée où je redécouvre le soleil. Je passe ensuite par Jelenia Góra, Bolków,
Swidnica, Nysa, Prudnik, Kędzierzyn-Kózle et Gliwice. En arrivant dans cette
ville, la chambre à air de ma roue arrière éclate avec un bruit sonore. Le
pneu est déchiré. Comment trouver un marchand de cycles quand on ne parle pas
un mot de polonais? Je m’adresse alors à un vieillard en lui faisant
comprendre par gestes la nature de mon problème. Il va trouver un ami
habitant à deux pas. S’engage alors entre eux une conversation dont je ne
comprends pas un traître mot. Ils me mènent alors chez
un retraité, Karol Kandolski, qui bricolait dans son garage. Karol parle allemand
depuis sa captivité lors de la guerre 1939-45. Nous conversons en allemand,
un peu en russe mais aussi en anglais. Ces braves gens réparent mon pneu avec
les moyens dont ils disposent. Un des fils de Karol s’amène un peu plus tard.
Dans sa sacoche, il trimballe une bouteille de vodka, polonaise bien entendu!
Je m’aperçois en effet que plus personne ici ne veut entendre parler de la
Russie. L’un des amis de Karol, bien que connaissant le russe, s’est ainsi
juré de ne plus parler un seul mot de cette langue tant honnie. Nous vidons
tranquillement la bouteille, et je ressens rapidement une douce ivresse. La
joie de vivre m’envahit... La
fraîcheur du soir s’annonce. Karol me propose alors de
passer la nuit chez lui, où il vit avec sa femme. Tant de
générosité m’émeut. Ma tête
tourne, j’ai beaucoup de mal à rester debout. Je suis
joyeux comme seul un ivrogne peut l’être. Tandis que Karol
range ses affaires, j’éprouve l’espace d’un
instant l’envie de soulager ma vessie sur les tournesols de son
jardin. Dans un bref sursaut de lucidité, je puise la force
d’aller un peu plus loin, devant les fenêtres ouvertes des
immeubles des environs... Karol
et son épouse vivent au second étage d’un immeuble délabré. Leur intérieur
est cependant coquet. Je prends un bon bain afin de retrouver mon aspect
habituel. Pour la première fois depuis mon départ, j’ai droit à un repas
chaud. Quel luxe! La télévision polonaise TVP1 diffuse vers 20h le pathétique
discours quotidien du président Lech Walesa. La météo montre ensuite une photo-satellite
de la Pologne. Celle-ci, ainsi que toute l’Europe, est entièrement couverte
de nuages. Je bois encore un peu de vodka avant d’aller me coucher dans un
bon lit bien chaud. Par habitude, je me
réveille à 5h, en ce matin du 14 juillet, jour de fête nationale en France.
Je déjeune puis pars aux environs de 9h, non sans avoir chaleureusement
remercié mes hôtes. Je dépasse alors Katowice pour arriver à
Oświęcim. Cette ville terne abritait pendant la guerre le camp de
concentration d’Auschwitz, actuellement transformé en attraction touristique.
Je peux voir de l’extérieur les baraquements, les miradors, les barbelés...
Je vois tout l’intérieur du camp. Les habitants de l’époque ne pouvaient
ignorer ce qui s’y passait. Je m’empresse de fuir
cette atmosphère sordide et me dirige alors vers le sud-est de la Pologne.
Cette région montagneuse est très belle, beaucoup de maisons y sont en cours
de construction. Après Rabka, Limanowa et Nowy Sacz, je franchis la frontière
slovaque à Piwniczna. Depuis le 1er janvier de cette année, la Slovaquie et
la République Tchèque se sont séparées de la défunte Tchécoslovaquie. Je
dépasse Stará L’ubovňa, Lipany, Prešov et Košice. J’entre
ensuite en Hongrie. J’étais déjà venu dans
ce pays l’été précédent. La vie y
était alors très bon marché pour un occidental,
mais entre-temps, les prix ont augmenté d’environ 25%! Je
prends les petites routes pour me diriger vers le sud-est. La
région de Tokaj est couverte de vignobles. A
Nyíregyháza, je fais changer mes pneus, tous deux sur le
point de rendre l’âme. Je dépasse ensuite
Mátészalka, et entre en Roumanie le matin du 17 juillet. Des centaines de
Roumains se rendent à pied faire leurs courses en Hongrie. Les routes sont
défoncées, beaucoup de Roumains ne peuvent se déplacer qu’en vélo, les
voitures étant hors de prix. L’essence est rare, pour s’en procurer, il faut
parfois faire la queue derrière une cinquantaine de voitures avant d’en
obtenir. De nombreuses charrettes
tirées par des chevaux circulent sur les routes. Les animaux domestiques
errent parfois en totale liberté dans les champs, non clos, ou sur le bord
des routes. Les villes que je traverse sont laides et sales. La grande
majorité des voitures qui me dépassent me klaxonnent, et répètent cette scène
en arrivant dans chaque village. Je détonne tellement dans
ce milieu que la plupart des gens me fixent. Tous ou presque me regardent
avec insistance. Une fois, trois individus m’accostent même pour me demander
si j’ai des dollars. J’ai bien des deutsche mark ou des francs, mais je
préfère faire l’ignorant et leur dire que j’ai des lei, monnaie locale.
Visiblement, ceci ne les intéresse nullement, et l’entretien est clos.
Après Satu Mare,
Zalău, je m’arrête un dimanche matin dans la vieille ville de
Cluj-Napoca, dans un petit parc près d’une église. Confortablement installé
sur un banc, je me restaure, et étudie mes cartes routières. Une jeune femme
portant un bébé dans ses bras vient me demander l’aumône en tendant le bras.
Je lui donne un billet, l’équivalent de 15 francs, ce qui n’est déjà pas mal
en Roumanie. Elle ne me remercie même pas et me réclame plus! Fâché, je la
chasse. Un peu plus tard, je me rends compte qu’elle a bien profité de sa
journée, puisqu’elle a également réussi à me voler ma montre que j’avais
posée un peu à l’écart. Un jeune énergumène vient me voir à son tour.
Echaudé, je me méfie quelque peu, mais il parle français et nous échangeons,
tant en paroles qu’en nourriture. Il me quitte, et je peux étudier mon
environnement à ma guise. C’est la messe, les habitants endimanchés assistent
à l’office. Un cheval attelé d’une charrette se repose à l’ombre. Ce genre de
scène a dû cesser en France voilà bien 30 ou 40 ans! A l’issue de la messe,
un homme âgé d’environ 70 à 75 ans vient me voir. Sous son beau chapeau noir,
il me sourit, et je sens bien qu’il aimerait me parler. Il ne parle pas français,
mais connaît quelques mots d’allemand. Je lui montre alors mon parcours sur
une carte routière de l’Europe, et cela l’impressionne visiblement. Il me
quitte en me serrant chaleureusement les deux mains dans les siennes, avec un
grand sourire. Parfois, les mots sont superflus. Je traverse ensuite Turda
et Aiud, puis j’atteins Alba Iulia, extrémité de mon parcours. Des scènes de la vie
quotidienne en Roumanie me surprennent. Dans une localité, une rivière large
et peu profonde traverse la ville. Je n’exagère pas en disant que des
centaines de Roumains s’y baignent par cette chaleur caniculaire, donnant
l’impression qu’une bonne partie du centre-ville s’est vidée. Difficile
d’imaginer pareille scène dans nos villes occidentales! Même en campagne, j’ai
plusieurs fois l’occasion de voir des personnes se baigner dans des rivières.
L’occasion est trop tentante, je laisse mes hésitations de côté et en fait
autant. A quelques dizaines de mètres de moi, un groupe de personnes se
baigne également, dont un enfant âgé probablement d’un an. Il a la peau très
claire et n’a visiblement aucune protection, qu’il s’agisse de crème ou de
bonnet sur la tête. Pourtant, le soleil tape très dur. Je comprends pourquoi
les Roumains sont si halés! Je roule parfois le ventre
vide, car les commerces sont rares en pleine campagne roumaine. Dans une
boulangerie où je m’arrête, un seul produit est à vendre, du pain de mauvaise
qualité dont la mie ressemble à de la sciure. Pas de viennoiseries, pas de
croissants non plus, ni de carambars, il n’y a que ce mauvais pain à vendre.
Tous les étalages, à droite, à gauche, devant, en haut, en bas, ne présentent
que ce même pain, pour la modique somme d’un franc environ. Parfois, je rencontre des
paysans vendant des fruits sur le bord des routes. Pour une somme dérisoire,
j’achète deux kilos d’abricots. Alors que la chaleur est caniculaire, je me
repose à l’ombre d’un arbre et avale ces quarante abricots à peine mûrs, ce
qui me vaudra par la suite quelques protestations véhémentes de la part de
mon organisme... A
l’occasion d’un arrêt au bord de la route, à l’ombre rafraîchissante d’un
arbre, je fais une nouvelle rencontre. Une voiture s’arrête non loin de moi,
et visiblement ses nombreux occupants ont des ennuis mécaniques. Ils sont
manifestement démunis en matériel de réparation, et l’un d’eux vient me
demander si je ne pourrais pas les dépanner quelque peu! Par chance, j’ai
deux petites clés multiples de secours. Je leur en confie une, et c’est avec
cette clé de vélo qu’ils vont tenter de réparer leur voiture! Le temps passe,
je dois repartir. Je leur laisse ma clé, qu’ils semblaient d’ailleurs peu
pressés de me rendre. Une pause en Roumanie Je reviens par
Orăştie, Deva, Săvîrşin, Lipova et Arad. Dans cette
ville, je fais mes emplettes dans une petite épicerie assez bien achalandée,
notamment en produits occidentaux. Je me fais un petit plaisir en m’offrant
un litre de jus de pamplemousse à 22 francs. Vu le produit, c’est un prix
élevé pour un Français, mais je ne réalise ce que cela vaut pour un Roumain
que lorsque la vendeuse me met en garde en me disant que c’est hors de prix,
et en insistant sur l’étiquette. A la sortie de cette ville, la route
nationale traverse un immense dépôt d’ordures à ciel ouvert, où femmes et
enfants errent à la recherche d’objets ou de nourriture pour agrémenter le
quotidien d’une vie difficile… Quel contraste avec le cycliste qui passe
rapidement au milieu d’eux! Je retrouve le lendemain
la plaine hongroise, de Szeged à Baja. Après la traversée du majestueux
Danube, le relief devient légèrement accidenté. Aux environs de Bonyhád, un
rayon de ma roue arrière cède. Un second l’imite près de Dombóvár. La jante
de ma roue commence à partir en morceaux, je la fais donc changer à Kaposvár. Après avoir dépassé
Nagykanizsa, j’entre en Croatie, où je ne fais guère qu’une trentaine de
kilomètres, avant de pénétrer en Slovénie. A partir de Maribor, je remonte la
Drava dans sa vallée. Au-delà de Dravograd se trouve l’Autriche. Je traverse le sud de ce
pays, passant par Völkermarkt, Klagenfurt, Villach, Spittal an der Drau,
Lienz et Sillian. Lacs en Autriche Ayant remonté la Drava - Drau
en allemand - jusqu’à San Candido, je me retrouve alors dans la région
des Dolomites, en Italie. Par ici, les gens ne
parlent pas l’italien, mais l’allemand. En effet, avant la première guerre
mondiale, cette région faisait partie de l’Autriche-Hongrie. Elle fut cédée à
l’Italie en 1919, à la suite du traité de Saint-Germain-en-Laye. Les noms des
villages sont donc doubles: Dobbiaco devient Toblach, Bressanone Brixen,
Bolzano Bozen, Merano Meran et Silandro Schlanders. Habitations dans le nord de l'Italie
Je traverse ainsi tout le
nord de l’Italie, en direction de la Suisse. Je franchis un col situé à 2149
mètres d’altitude, l’Ofenpass, puis, entre Susch et Davos, le majestueux
Flüelapass, à 2383 mètres. Je dépense toute mon énergie pour le franchir, et
ne peux guère aller plus loin que Klosters et Jenaz, car il se met à
pleuvoir. J’ai la chance de dénicher une baraque en bois où je peux dormir à
l’abri. Je viens de monter des kilomètres de côtes dont on ne distingue ici qu'une petite partie Le lendemain matin, je
dépasse Landquart, Sargans et Walenstadt. Je longe alors le lac de Walen pour
la troisième année consécutive. La Suisse, pays aux mille lacs, et Walensee Après Weesen, je passe par
Iona, Rapperswil, Horgen, Zürich, Dietikon, Baden, Brugg, Frick, Rheinfelden
et Basel. Je rentre alors en France, traversant Saint-Louis, Altkirch,
Belfort, Vesoul, Fayl-Billot, Châtillon-sur-Seine, Tonnerre, Chablis,
Auxerre, Châteauneuf-sur-Loire et Châteaudun.
Je dors sous un arbre,
dans un petit bois, son feuillage épais me protégeant de la pluie. Le
lendemain, je roule par un temps maussade, transi de froid. Je dépasse tant
bien que mal Nogent-le-Rotrou, Bellême, Mamers, Alençon, la Ferté-Macé et
Saint-Maurice-du-Désert. Il est près de 19h, je
décide de rendre une petite visite à mon cousin Jean-Marie Constantin et à sa
famille, au village de la Bourrelière. Ils ont du mal à me reconnaître, car
avant mon départ, comme en 1992, je me suis rasé le crâne. En outre, je suis
barbu, et le soleil m’a fortement pigmenté la peau. Fidèle à sa réputation,
Jean-Marie m’offre l’hospitalité pour la nuit.
Le
lendemain, je pars sur le coup de 11h, et roule à vive allure sous un soleil
enfin retrouvé. Je passe par Messei, Flers, Tinchebray et
Saint-Quentin-les-Chardonnets. Il ne me reste plus que 3 kilomètres, que je
décide de parcourir très lentement, afin de savourer pleinement ces derniers
instants... Les étapes de ce
voyage: Samedi 3 juillet 1993
(245 km): Bernières-le-Patry,
Rully, Vassy, Saint-Germain-du-Crioult, Condé-sur-Noireau, Pont-d’Ouilly,
Falaise, Jort, Lieury, Ecots, Saint-Georges-en-Auge, le Mesnil-Bacley,
Livarot, Notre-Dame-de-Courson, Orbec, la Vespière, Capelle-les-Grands,
Saint-Victor-de-Chrétienville, Caorches Saint-Nicolas, Bernay, Menneval,
Serquigny, Nassandres, Goupillières, la Cambe, Epreville-près-le-Neubourg, le
Neubourg, Marbeuf, Venon, Quatremare, Louviers, Heudebouville, Venables, les
Andelys, Harquency, Mouflaines, les Thilliers-en-Vexin, Vesly, Dangu,
Courcelles-les-Gisors, Gisors, Trie-Château, Chaumont-en-Vexin, Loconville,
Boissy-sous-Bois, Bachivillers, le Mesnil-Théribus. Dimanche 4 juillet 1993
(198 km): Valdampierre,
Ressons-l’Abbaye, la Neuville d’Aumont, le Coudray-sur-Thelle, Noailles,
Monchy-le-Châtel, Heilles, Saint-Félix, Thury-sous-Clermont, Clermont,
Breuil-le-Vert, Breuil-le-Sec, Nointel, Catenoy, Arsy, Venette, Compiègne,
Trosly-Breuil, Cuise-la-Motte, Couloisy, Soissons, Sermoise, Braine,
Courcelles-sur-Vesle, Fismes, Tinqueux, Reims, Cernay-les-Reims, Berru,
Epoye, Ponfaverger-Moronvilliers, Bétheniville, Hauviné,
Saint-Clément-à-Arnes, Saint-Pierre-à-Arnes, Saint-Etienne-à-Arnes. Lundi 5 juillet 1993
(170 km): Semide,
Contreuve, Sainte-Marie, Vouziers, la Croix-aux-Bois, Boult-aux-Bois,
Germont, Harricourt, Bar-les-Buzancy, Buzancy, Nouart, Beauclair,
Lanneuville-sur-Meuse, Stenay, Baâlon, Chauvency-le-Château, Montmédy,
Verneuil-Grand, Ecouviez, Rouvroy, Virton, Saint-Léger, Châtillon, Arlon
(Belgique), Beckerich, Useldange, Bissen, Colmar-Berg, Ettelbruck, Diekirch,
Fouhren. Mardi 6 juillet 1993
(197 km): Vianden,
Sinspelt, Bitburg, Binsfeld, Landscheid, Wittlich, Neuerburg, Bausendorf,
Kinderbeuern, Alf, Cochem, Poenmern, Burgen, Alken, Dieblich, Lay, Koblenz,
Bad Ems, Nassau. Mercredi 7 juillet 1993
(150 km): Obernhof,
Holzappel, Hirschberg, Diez, Limburg, Lenn, Wetzlar, Gießen, Grünberg,
Alsfeld, Eifa. Jeudi 8 juillet 1993
(203 km): Lingelbach,
Niederaula, Bad Hersfeld, Philippstahl, Vacha, Eisenach, Gotha, Erfurt,
Weimar, Jena, Bürgel, Droschka. Vendredi 9 juillet 1993
(202 km): Eisenberg,
Gera, Ronneburg, Schmölln, Gößnitz, Zwickau, Chemnitz, Freiberg, Halsbach. Samedi 10 juillet 1993
(156 km): Naundorf,
Tharandt, Freital, Dresden, Heidenau, Pirna, Königstein, Bad Schandau,
Schmilka, Hřensko, Dečin, Nový Bor, Cvikov, Liberec. Lundi 12 juillet 1993
(188 km): Liberec,
Tanvald, Harrachov, Jelenia Gora, Bolków, Swidnica, Zabkowice Slaskie,
Byczén. Mardi 13 juillet 1993
(144 km): Paczków,
Nysa, Prudnik, Gliwice. Mercredi 14 juillet
1993 (175 km): Gliwice,
Katowice, Oświęcim, Mszana Dolna. Jeudi 15 juillet 1993
(172 km): Mszna
Dolna, Nowy Sacz, Prešov. Du 16 au 22 juillet
1993: 177, 210, 206,
194, 208, 162 et 218 km Vendredi 23 juillet 1993
(186 km): Klagenfurt, Villach,
Spittal, Lienz, San Candido Innichen. Samedi 24 juillet 1993 (200 km): Dobbiaco Toblach, Bressanone
Brixen, Bolzano Bozen, Merano Meran, Taufers im Münstertal. Dimanche 25 juillet 1993 (97 km): Tschierv, Zernez, Davos,
Klosters, Jenaz. Lundi 26 juillet 1993 (185 km): Landquart, Sargans,
Walenstadt, Rapperswil, Zürich, Baden, Brugg, Frick, Mumpf. Une solide descente de 25%
Du 27 au 30 juillet
1993: 169, 196, 204 et
163 km Samedi 31 juillet 1993
(45 km): Saint-Maurice-du-Désert,
la Sauvagère, la Ferrière-aux-Etangs, Saint-André-de-Messei, Messei, Flers, Landisacq,
Tinchebray, Saint-Quentin-les-Chardonnets, Noron. Emmanuel Hamel
Trois habitants de Cluj-Napoca en Roumanie, complément écrit en 2010 En 1993, je sillonne l'ouest de la Roumanie. Je suis d'abord méfiant, tant ce pays diffère du mien. Tout ce que je vois respire la pauvreté, par rapport à mon échelle de référence qui ne connaît que le monde occidental. Je découvre des gens au visage basané et patibulaire, des Bohémiens, que je n'ai guère l'habitude de voir dans mon Bocage Virois. C'est généralement lors de mes haltes que des contacts se nouent. C'est le cas ici, alors que je me suis arrêté un dimanche en fin de matinée dans un petit parc, près d'une église. Je me suis confortablement installé pour une longue pause d'une heure et demie. Je suis assis sur un banc le long duquel reposent toutes mes affaires, ma montre étant posée à l'écart. Une jeune femme portant son bébé, à supposer qu'il s'agisse du sien, vient me voir et me quémande de l'argent. Elle n'est pas maigre, et ne semble donc pas souffrir de la faim, mais je lui donne tout de même un petit billet de 20 lei. Elle ne me remercie pas et me demande plus! Me voici à présent dans de toutes autres dispositions! Indigné, je la somme de partir, avec le geste du bras l'invitant fermement à s'éloigner. Elle s'éloigne sans un mot, me laissant méditer sur l'ingratitude humaine et la différence de niveau de vie au sein d'un même continent. Ce n'est que quelques minutes plus tard que je réalise qu'elle n'a pas seulement emporté mes quelques lei, mais aussi ma montre... Bon, je relativise, ce n'était qu'une petite montre sans grande valeur, dont j'avais enlevé le bracelet. Mais désormais j'allais rouler à l'heure solaire, la position de l'astre du jour dans le ciel me servant de référence horaire! Depuis quelques instants, j'observais du coin de l'oeil un jeune homme, qui devait être âgé d'environ 18 ans. Il déambulait sans but apparent dans ce parc, montant à l'occasion dans les pommiers recueillir quelques pommes à peine mûres. Averti par l'incident précédent, c'est donc avec une certaine défiance et une réticence visible que je le vois arriver vers moi. Affable et souriant, il devise par le biais de quelques mots de français, langue assez couramment étudiée alors en Roumanie. Il m'offre une pomme que j'accepte, pour ne pas le contrarier, et je lui cède un morceau de pain. Nos échanges n'iront guère plus loin. Il ne s'intéresse pas à mon voyage, et notre conversation prend fin rapidement. C'est sans regret que je le vois partir. Voici plus d'une heure que je suis ici. J'ai eu le temps de voir passer du monde, au son rythmé des cloches de l'église. J'ai vu venir pour la messe quelques personnes dans une très belle calèche, conduite par un ou deux magnifiques chevaux. Ces gens sont habillés avec élégance, et j'en profite pour les admirer et m'imaginer ce que pouvait être la France d'avant guerre. A l'issue de la messe, un vieil homme vient me voir. Il doit avoir dans les 70 ans. Il est vêtu tout de noir et porte un beau chapeau, sobre, un peu large et assez plat. La barrière des langues empêche la tenue d'une vraie conversation, et je ne comprends guère ce qu'il me dit. Je lui demande s'il parle allemand, mais il me répond "kleine", c'est-à-dire "petit", quasiment pas. Que faire? Je prends ma grande carte routière de l'Europe, où j'ai tracé mon circuit au feutre. Très visible, il permet à mon interlocuteur de comprendre d'où je viens, d'autant plus que je le lui précise par gestes. Il est impressionné et ravi de cette rencontre. Il me dit quelques mots avec un grand sourire, auquel je réponds sans que mon incompréhension de la langue ne soit finalement si handicapante que cela. Il me quitte en me serrant fortement les deux mains dans les siennes. J'ai toujours trouvé très forte cette rencontre d'apparence anodine, entre le jeune homme que j'étais et ce vieillard roumain, tellement digne dans ses habits du dimanche. Nous n'avions pu nous parler autrement que par quelques gestes, mais quelle chaleur dans cet échange! Quelle formidable humanité s'était dégagée de ce bref instant auquel je repense aujourd'hui encore avec une vraie émotion, cet homme ayant déjà probablement rejoint le pays de ses ancêtres. |