Les moulins de Bernières-le-Patry



Entre le XIe et le XIVe siècles, les moulins à eau, connus dès l’Antiquité, mais d’un emploi très limité, prolifèrent. Ils servent à toutes sortes d’usage, et sont appliqués peu à peu à toute une série d’industries. Le moulin à eau est une pièce essentielle de la révolution technique qui commence au XIe siècle en Occident.

Il y avait ainsi 10 moulins à Bernières en 1826: 6 à blé, 2 à huile, 1 à papier et 1 polissoir. On les trouvait à Noron, dans le Bourg, à la Bazourdière, aux Planches et à Fréval (sur la Diane et ses biefs), ainsi qu’à la Retoudière et au Mesnillet (sur la Jouvine).

On trouve aussi la mention d'un moulin à la Rochelle. En effet, le 25 juin 1687, damoiselle Françoise Busnel, veuve de René Le Harivel, écuyer, sieur de Hongny, tant pour elle que pour son fils, sieur de Gacel, et pour messire Georges de la Roque, écuyer, sieur du Teil, baille le moulin à blé de la Rochelle à François Goudier, meunier, natif de Montsecret et demeurant à Saint-Quentin-les-Chardonnets.

Noron:

Le bief où passait autrefois la Diane existe encore et porte aujourd’hui le nom de Ruisseau de la Digue. Noron était autrefois un village important, car il s’étendait jusqu’au Hamel Collet, également appelé Petit Noron. Entre ces deux villages se trouve maintenant le lieu-dit “Le Moulin de Noron”.

Dès le XIIIe siècle, le chevalier Robert de la Rochelle avait cédé aux religieux de l’abbaye de Belle-Etoile une rente de 40 sous assise sur le moulin de Noron. Par la suite, d’autres semblent avoir été construits le long du bief. En effet, un acte d’héritage de 1598 mentionne “la moitié des moulins à blé de Noron”. Cependant, un autre acte du 7 juillet 1641 ne parle plus que du chemin “du moulin de Noron à la Chaussée de Frébout”, comme s’il n’y en avait plus qu’un.

En 1826, on y trouvait 2 moulins à blé, tous deux de première classe et valant chacun 50 Francs. Ils appartenaient alors à Jacques Dumont, meunier, et portaient les numéros A 225 et A 228 sur le cadastre de cette année-là.

Après 1840, Adrien Desmares y possédait au moins un moulin, et il n’en restait plus qu’un au début du XXe siècle. Il appartenait à un certain Roy dans les années 20, et celui-ci le céda à un Leboucher, lequel le transmit à son tour à son fils Georges.

Dans les années 50, on venait encore moudre son grain chez lui. C’était alors tout un travail que de faire fonctionner ce moulin! Chaque matin, Georges Leboucher allait à la mare de Noron lever la vanne de retenue, ce qui lui donnait une courte autonomie d’une heure ou deux pour son moulin. Il fallait ensuite remettre cette vanne et attendre que la mare se remplisse à nouveau de manière suffisante. Ce moulin est aujourd’hui transformé en maison d’habitation. En 2012, il a été ouvert à la visite à l'occasion des Journées du Patrimoine.

Le Bourg de Bernières:

Le second bief dérivé de la Diane est aussi le plus important de la commune. Il a été creusé à partir de la Petite Rochelle pour traverser le bourg et atteindre ensuite le Ruisseau de Rully, lequel se jette peu après dans la Diane. La construction de ce bief, long de plus de 2 kilomètres, a dû demander un travail considérable pour l’époque. Creusé au Moyen-Age, il alimentait en eau les moulins du seigneur de Bernières, situés dans le bas du bourg. Cet endroit portait autrefois le nom de “Moulin de Bernières”.

Dans l’aveu rendu le 16 mars 1472 au comte de Mortain par Jean du Parc, seigneur de Bernières, on apprend qu’il existait alors dans le bas du bourg un moulin à blé valant environ 100 sols par an, et un moulin fouleur à draps valant environ 12 sols par an.

Par acte du 24 septembre 1641, Jean de la Roque, seigneur de Bernières, louait pour cinq ans à Marin Guillouet fils feu Jean les moulins à blé du bourg et leurs dépendances, ainsi qu’une portion de terre située non loin et jouxtant un moulin à froment, le tout pour 230 livres tournois par an avec quelques redevances supplémentaires.

En 1826, la veuve Mauduit, de Vire, possédait deux moulins à blé de seconde classe, valant 70 francs chacun (n°C 153 et C 157) et un à huile (C 156, détruit en 1846), de seconde classe également, valant 15 francs. Tous trois étaient irrigués par ce bief qu’on appelait le “Canal”.

A la fin du XIXe siècle, on l’utilisait pour participer à des jeux nautiques, lors de la fête annuelle du Rosaire. Il était encore en eau il y a cinquante ans et a été remblayé définitivement peu avant le remembrement.

Après 1840, un certain Canu de Vire y possédait au moins un moulin. Le C 153, appartenant à Victor Gascouin, fabricant d’huile, fut détruit en 1878. En 1880 fut bâti le C 369, moulin à huile appartenant à ce même Gascouin.

La Bazourdière:

En 1823, Jean Pierre Lenormand, cultivateur, demanda une autorisation pour construire un moulin sur la Diane. Le cadastre de 1826 nous montre qu’il s’agissait d’un moulin à huile de 1ère classe (n° C 243), valant 50 francs. Vers 1840, un certain Jacqueline fit construire une filature en aval des Lenormand, dont le moulin à huile s’était modernisé au fil du temps. En 1860, un moulin à tan lui fut adjoint par François Lenormand, mais le tout fut détruit en 1877.

Les Planches:

Le bief construit à partir de la Diane aux abords de ce hameau a donné son nom au proche village du Bieu. A la fin du XIVe siècle, le moulin des Planches appartenait à la Commanderie de Courval. En 1826, les héritiers de Michel Leconte, meunier, y possédaient un moulin à blé de 1ère classe (n° C 118), valant 130 francs. Après 1840, il appartenait à un nommé Patard, et à la fin du XIXe siècle, l’endroit était occupé par la manufacture d’outillages Ragey.

Pierre Ragey, puis son fils Gabriel, étaient des forgerons réputés: ils fabriquaient des bouchardes et des marteaux à piquer les meules qui duraient beaucoup plus longtemps que ceux des concurrents de Tinchebray. Les bouchardes étaient utilisées par les tailleurs de pierre, de granit surtout, et les marteaux à piquer permettaient aux meulaires de strier les meules des moulins à grain.

Leur successeur, Chesnel, fabriquait les pièges à taupes Serdur, qu’il avait fait breveter. Jules Chénel réparait pendant la seconde Guerre mondiale les ustensiles journaliers et le matériel agricole. Ensuite, le ferronnier d’art Gruson, travaillant pour une maison de Tinchebray, continua d’y animer le grand atelier vitré des Planches.

Fréval:

On y voit les traces d”un ancien bief dérivé de la Diane. En 1826, la veuve de Julien Guesdon y avait un moulin à papier (n° C 323), valant 30 francs. Il passa avant 1833 à Louis Victor Vallée, meunier, sieur de la Vallerie, puis à Guillaume Hardy, banquier à Condé. Il fut remplacé par un moulin à blé de 140 francs pendant quelques années, puis transformé en filature par Xavier Duhamel vers 1882. En 1914, Armand Albert Duhamel l’exploitait.

La Retoudière:

Un tout petit moulin y existait autrefois. En 1826 (n° F 539), il appartenait à Pierre Lepetit, de Saint-Quentin-les-Chardonnets, et ne valait que dix francs. Bâti sur la Jouvine, il se trouvait près du moulin de la Foucaudière, situé du côté de Saint-Quentin. C’était en fait un polissoir, et après 1840 s’y trouvaient les polissoirs Mestry.

Le Mesnillet:

Le moulin du Mesnillet existait déjà en 1366. Il appartenait au seigneur du lieu et utilisait l’eau du bief issu de la Jouvine. A la fin du XVIIe siècle, il y avait deux meules, servant surtout à moudre le blé et l’avoine. Jusqu’à la Révolution, le seigneur du Mesnillet le louait à un meunier tous les cinq ans par bail. Ce bail n’était que de 150 livres tournois par an en 1675. Il se montait à 170 livres en 1701, 200 en 1711, 246 en 1745 avec six chapons gras par an, 300 en 1759, 300 également en 1770 mais avec six chapons gras, six canards gras et dix boisseaux de blé sarrasin mesure de Tinchebray par an, et 350 vers 1778.

Voici les noms de quelques meuniers du Mesnillet:

[1674-.......]   Julien Tasfley fils Robert.
[1688-1711]   Jacques Leperdrieux.
[1711-1715]   Jean Robert fils Gilles, de Saint-Martin-de-Tallevende.
[1715-.......]   Jacques Leperdrieux et son fils Jean.
[.......-1745]   Pierre Quillard.
[1745-1761]   Jacques Leroy, d’abord associé avec son frère André. Il mourut début 1761, et ses frères Guillaume et André, et son beau-frère Guillaume Roger se portèrent alors caution pour sa veuve.
[.......-1765]   Charles Gautier, marié fin 1761 avec Jeanne Roger, veuve de Jacques Leroy.
[1765-.......]   Jean Gautier, jusqu’en 1774 environ. Vers 1778, Guillaume Roger lui succéda.

Avant la Révolution, les paysans vivant sur les terres relevant du fief du Mesnillet devaient moudre leur blé au moulin et l’entretenir, c’est-à-dire changer les meules quand elles étaient usées, et fournir du “gleu” pour la couverture. Le moulin était souvent en piteux état, à la limite de la ruine, et le seigneur devait parfois aller jusqu’en justice pour forcer ses gens à le réparer, à leurs frais qui plus est.

Charles Leconte, meunier, possédait ce moulin à blé en 1826. Il valait 70 francs et portait le numéro D 433 au cadastre. Après lui, il passa à sa veuve. Au XXe siècle, il a appartenu à Alcide Constantin, puis à Michel Gauché, de Rully, qui a épousé sa petite-fille, Edith Constantin. Il installa une nouvelle roue à armature de fer.

Jean André Hergault fut le dernier meunier du moulin du Mesnillet. Celui-ci s’arrêta définitivement en 1951, et le meunier devint employé communal.

Sources:

Archives départementales du Calvados, 1E18, 7E417.
Archives départementales de l'Orne, H371.
Archives manuscrites du château de la Rochelle, Bernières-le-Patry.
Archives de Flers, tabellionage de Frênes, relevé par Auguste Surville, MAN68.

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